Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
bas de l'aisne
bas de l'aisne
Menu

Voici donc cette histoire de Jeanne dont la mésaventure se situe à la pierre Clouise (photo Guizemot)
Elle n'est ni un menhir , ou pierre levée bien qu'elle soit un monolithe, ni un dolmen, puisque ce grés n'est pas placé à l'horizontal reposant sur des roches verticales , 
l'énorme pierre, gît là tel un oreiller géant étendu au beau milieu de la forêt des loups. On le dirait placé là pour que la tête d'Esus, le terrible, le Seigneur  de la guerre que le druide tremblait de rencontrer sous la cime des arbres parfois déjà centenaires selon Lucain dans sa Pharsale, y repose.
Est-elle tombelle des celtes, de celles qu'on appelle barrows ou galgals en anglais ou en français?
Elle est la pierre Clouise.
I/ Jeanne
On disait qu'une jeune femme,  " vêtue le moins possible", qui savait glisser le long de la pierre sans heurts, se mariait dans l'année.  Fallait-il que ce fût par un beau clair de lune? La tradition restait  muette sur ce point..
Jeanne, qui était en âge de se marier, le savait bien lorsque court vêtue, elle se rendit par une nuit de pleine lune au beau milieu de la forêt aux loups.
Craintive, elle accrochait ses mains menues à la croix qu'elle portait en pendentif tout en psalmodiant des prières.
La forêt avait cette réputation qu'indiquait son surnom, et, chaque craquement d'arbre, chaque sifflement du vent dans les feuillages, faisait frissonner la jeune fille qui redoutait pourtant plus de coiffer Sainte Catherine, que de se retrouver face à un lointain cousin d'Isengrin.
Elle était pourtant bien jeune et avait tout le temps!
Mais le petit Pierre avait fait irruption dans sa vie et lui avait ravi son coeur en la regardant de ses yeux noirs charbon, avec ses cheveux noirs corbeau et de son sourire ravageur qu'il gardait toujours en sa présence.
Elle avait décidé qu'elle se marierait à ce garçon et pas à un autre!
Elle ne voulait pas perdre toute chance de pouvoir un jour se marier avec celui qu'elle avait choisi...
Dès qu'elle l'apercevait, son coeur battait la chamade et il  le savait bien , lui qui ne disait rien et faisait le beau, l'ignorant mais ne voyant qu'elle.
Le sort s'acharnerait-il à les laisser désunis, l'un sans l'autre?
Allait-elle mal finir dans cette forêt profonde que même les druides, autrefois, redoutaient?
Jeanne avançait parmi les fougères malgré la peur chevillée au corps, avec la certitude d'agir bien et pour son bonheur. Elle avait bien conscience du risque qu'elle encourait, mais elle préférait le courir plutôt que finir mal mariée à un homme qu'elle n'aimerait pas. C'était pourant le lot de bien des filles et nul ne s'en chagrinait. 
Jeanne, oui.
Elle avait donc pris son courage à deux mains, et, à la dérobée, elle avait pris le chemin de la forêt sans que personne ne la vît.
Elle arrivait près de la roche géante qui se dressait devant elle comme une divinité païenne attachée à ce lieu lugubre en cette nuit froide et pâle de  cette fin d'hiver.
Elle escalada le relief fantastique qui la séparait du sommet et, arrivée tout en haut de la pierre, se prépara à la chute vertigineuse qu'elle avait envisagé comme un immense saut dans l'inconnu.
La lune illuminait les lieux et donnait à la roche une allure magique autant que sacrée.
Jeanne se signa avant de glisser tout le long de la face de la pierre Clouise.
Elle avait parfaitement réussi cette glissade qui lui permettrait de repartir sereine de la forêt.
Malgré le froid que l'on sentait encore à cette époque de l'année, Jeanne ressentait une chaleur de satisfaction l'envelopper doucement et  se hâta de regagner le haut du rocher d'où elle s'était jetée pour récupérer le peu de vêtements qu'elle avait amenés avec elle. 
Lorsqu'elle arriva au sommet, un grognement la fit frissonner et elle vit deux yeux fixes et éclairés par la lune avec une telle netteté qu'elle comprit aussitôt qu'elle était en danger.
Un frisson d'effroi la parcourut et en un éclair la fit tressaillir autant que réfléchir à une issue qui lui permettrait de se sortir de cette situation cauchemardesque.
Elle avait pu  trouver refuge au sein d'une anfractuosité de la roche, dans laquelle d'autres avaient probablement vécu puisqu'elle y avait trouvé des cailloux taillés en forme de couteaux parmi des éclats de roches qui gisaient dans cet abri naturel. Un mince passage avait permis à ce corps menu de se retrouver-là au désespoir de l'animal qui grognait de plus belle de l'autre côté de l'abri. Lorsqu'il parvint à passer sa tête entière dans le passage que Jeanne avait pu emprunter, à force d'obstination, la malheureuse sentit la peur gagner tout son être. Cependant, elle garda la tête assez froide pour s'emparer d'une de ces pierres étranges, pointues autant que tranchantes, qui lui serviraient en cas d'attaque plus violente du loup devenu fou de rage.
Lorsque le loup fut un peu plus engagé dans le passage,Jeanne se munit d'une de ces pierres et s'approcha de la gueule de l'animal qui devenait très menaçant montrant les crocs et émettant un terrible grognement.
Jeanne ferma les yeux lorsqu'elle porta le coup sur la face du loup qui hurla  en reculant de plusieurs mètres hors du boyau. Son cri alerta les autres canidés de la forêt et l'on entendait, comme dans un amphitéâtre, l'écho des hurlement se réfléchir les uns les autres jusqu'au moment où tous semblèrent hurler à l'unisson. C'était le moment où d'autres loups avaient rejoint l'animal qui était blessé.Son museau sanguinolant attira un  loup de la horde qui s'approcha de lui pour le lécher et lui nettoyer la plaie. L'animal  se remit à chercher moyen d'entrer dans la grotte dans laquelle Jeanne tremblait encore, le couteau à la main, étonnée d'avoir réussi à  éloigner le danger;
Au dehors, les loups s'etaient assemblés au pied de la pierre Clouise laissant leur congénère éxécuter la mission qu'il s'était choisie.
Frigorifiée et tremblant de peur, le jeune fille, se blotissait contre la paroi glacée du grès.
Le museau égratigné du loup faisait à nouveau son apparition à l'entrée de l'abri de fortune qui lui servait de refuge. Il redoubla d'efforts pour tenter de faire irruption à l'intérieur mais n'y parvint pas, un de ses congénères qui le suivait tenta également sa chance sans mieux y arriver. Un troisième allait tenter de forcer le passage lorsquil déguerpit avec les deux autres, quelques temps avant que des coups de fusils et une odeur de poudre ne provoque la fuite de la horde qui partit dans tous les sens à travers la forêt. Les trois loups intéressés particulièrement à l'affaire avaient sans doute pris la poudre d'escampette aux premiers bruits suspects qu'ils avaient ouï un peu avant les autres, sans doute à cause du petit vent qui avait apporté des odeurs humaines jusqu'à eux. 
Un homme se pencha au-dessus de l'abri où Jeanne s'était réfugiée et lui tendit la main. Lorsqu'elle l'eut attrapée, l'homme fit apparaître la jeune fille éprouvée par l'aventure qu' elle venait de vivre., au dehors de l'abri.
Parmi toute cette troupe qui avait mis les bêtes en fuite, Pierre affichait le même sourire habituel. et la regardait fixement.
Les hommes étaient partis à sa recherche sur les indications du jeune homme qui avait averti les parents de Jeanne lorsqu'ils s'étaient inquiétés en ne la voyant pas rentrer pour le repas expliqua le plus âgé de la troupe.
Ils descendirent tous vers le bas de la pierre Clouise. L'homme qui avait parlé s'occupa de Jeanne et lui fournit sa veste pour qu'elle n'ait pas foid.. Il lui répéta qu'elle devait sa sauvegarde à Pierre qui, derrière le vieil homme souriait et rougissait un peu.
Jeanne baissa les yeux et l'homme lui raconta que cette pierre était un endroit lgendaire et qu'une vieille légende parlait de femmes tuées et de loups.
En des temps immémoriaux, une tribu vivait dans cette forêt.
Les hommes du village furent appelés au combat, laissant leurs femmes et leurs enfants pendant une longue période. Or, pendant ce temps, une femme mourut et les autres lui confectionnèrent une sépulture sommaire. C'était en des temps païens. Les loups déjà habitaient cette forêt.
L'odeur de la chair morte attira les animaux en quête de nourriture, et ils s'approchèrent de la sépulture pour la dévorer.Une fois le festin terminé, ils s'attaquèrent aux femmes qui étaient abritées dans les trous de la roche.
Aux cris des femmes, des chasseurs arrivèrent sur les lieux et mirent en fuite les bêtes affamées.
Les femmes, qui vivaient là, seules depuis déjà bien longtemps, accueillirent les hommes comme leurs nouveaux maris et vécurent avec leurs sauveurs.
La guerre qui occupait les hommes depuis fort longtemps prit fin et permit aux hommes de revenir en leurs foyers.
Heureux d'avoir survécu aux combats, ils arrivaient ravis de retrouver leurs épouses. 
La stupeur de les voir en compagnie de leurs nouveaux maris, provoqua chez eux une colère folle  et , blessés autant que furieux, ils se saisirent de leurs armes pour perpétrer un immense massacre de vengeance, plein de furie et de haine. Le sanglant spectacle acheva leurs malheurs, et ils quittèrent ces lieux maudits, laissant les loups se repaître du charnier.
Voilà sans doute pourquoi, depuis tout ce temps, il y a des loups à foison dans cette forêt conclut le vieil homme en quittant les deux jeunes gens, les laissant tous deux un peu ensemble. Un léger sourire parcourant son visage mutin.
II/ La magie de la pierre Clouise.
 La pierre Clouise qui unit, comme le montre la tradition des mariages , est aussi une pierre qui parfois peut réunir.
Le vieil homme qui avait fait partie des villageois qui étaient venus au secours de Jeanne vit ainsi le couple des jeunes tourtereaux s'unir et , pour une stupide histoire de jalousie infondée, risquer de se désunir.
Alorsqu'ils s'étaient mariés l'année qui suivit la glissade de Jeanne et qu'ils s'aimaient, Pierre fut pris d'un accès de jalousie lorsqu'il revint d'un travail qui l'avait un peu éloigné du village. Lorsqu'il était parti, il avait remarqué qu'un autre jeune homme s'intéressait à Jeanne.
A son retour, plusieurs mois après, il trouva Jeanne enceinte. Oublieux que la terre ne donne pas le blé aussitot semé, et ignorant du calendrier, le futur père commença à s'interroger sur la fidélité de son épouse. Il voyait toujours l'autre d'un regard plein de soupçons.
Lorsque l'enfant naquit, il fut hanté par la question de sa paternité. La jalousie, une maladie bien connue des jeunes gens et des plus vieux aussi avait pris possession de l'esprit du jeune père.
En voyant cette lubie dévorer le jeune Pierre, le vieil homme qui veillait sur le couple comme un père décida de rendre visite aux jeunes gens afin de leur raconter l'édifiante coutume que pratiquaient leurs ancêtres, en cas d'incertitude sur le père et qui avait pour cadre la pierre Clouise.
Il avait l'intention de faire prendre conscience à Pierre de la folie qui le consumait comme un feu de forêt. Il tenait à lui montrer jusqu'où les hommes pouvaient être barbares lorsqu'ils étaient possédés par cette folie.
 Autrefois, les hommes de la forêt des loups pratiquaient l'épreuve de la légitimation à la pierre Clouise.
L'enfant né dans les douze dernières lunes précédant l'équinoxe d'été était posé, endormi sur un bouclier, et était confié au sort de la glissade du haut de la pierre jusqu'en bas où l'attendait sa mère. Si l'enfant ne  s'était pas réveillé et qu'il n'avait pas crié  jusque là, il était reconnu légitime et ramené sous la hutte où les villageois laissaient exploser leur joie. 
Dans le cas contraire,il était déclaré bâtard.
Le vieil homme demanda à Pierre s'il était capable de confier l'enfant à la pierre Clouise, lui rappela qu'il avait aimé Jeanne et qu'elle l'avait aimé au point de risquer sa vie en se rendant seule, la nuit dans la forêt et qu'il l'avait sauvée. Fallait-il tout remettre en cause en se fondant sur ce sentiment dépourvu de vérité qu'était la jalousie?
De doutes en incertitudes, de jalousies en amour, l'esprit de Pierre faisait le voyage d'un bouclier sur la pierre Clouise et, arrivé au bout de sa réflexion, la certitude d'être le père lui apparut. L'évocation de la pierre avait eu une nouvelle fois l'effet magique d'unir.